Vendredi 15 décembre, arrivée dans le Chiapas
Ok, je ne redormirai plus jamais sur un parking de Pemex 😃, nuit trop pourrie !
Journée de route, nous espérons retrouver la Nomadfamily ce soir, mais pas de nouvelles d’eux depuis quelques jours. Après l’état de Veracruz, un court passage dans celui du Tabasco, et nous atteignons le Chiapas. Et vous savez quoi ? C’est magnifique le Chiapas ! De très belles montagnes avec une végétation de dingue, des fleuves et lacs, superbe !
Le Chiapas est l’état le plus pauvre du Mexique, plus de la moitié de la population y est considérée comme très pauvre, alors même que c’est le 1er producteur de café, 2ème pour l’élevage et 3ème en ce qui concerne le maïs ! Le domaine énergétique n’est pas en reste, puisqu’on trouve ici les plus importants gisements de pétrole, les plus grandes réserves de gaz, et c’est d’ici que provient la majeure partie de l’électricité, fournit par des grands barrages. Pourquoi un tel écart entre la pauvreté des habitants et les richesses de cet état ? Ici, la part de population indigène est bien plus importante que dans le reste du pays : plus d’un cinquième de la population, alors que sur l’ensemble du Mexique ils ne représentent que 10%. Et comme dans l’ensemble du Mexique, ces populations sont très mal considérées… Les gouvernements successifs ont depuis longtemps favorisé les grands propriétaires, les éleveurs et les grands groupes industriels, au détriment des communautés indigènes. Ces dernières vivent d’une agriculture de subsistance, ou sont exploités travaillent pour les autres.
Le Chiapas est connu également pour son insurrection en 1994, dont la figure emblématique est le sous-commandant Marcos. Pourquoi/comment cette révolte des Indiens ? Le mouvement couvait depuis le début des années 80, mais l’élément déclencheur a été l’entrée en vigueur de l’ALENA, l’accord de libre-échange Mexique-USA-Canada. Le 1er janvier 1994, quelques centaines d’Indiens du Chiapas prennent les armes et se rebellent contre cet accord qui accorde encore plus de pouvoir aux grands groupes américains (ça ne vous rappelle pas un autre accord ?), menant à la mort de l’agriculture paysanne traditionnelle. Ils prennent les armes et occupent la ville de San Cristobal de Las Casas, réclamant la reconnaissance des peuples indigènes, l’égalité pour tous dans l’accès au logement, au travail, aux soins, à l’éducation, à la culture, à la justice… Droit à l’autogestion également. Le gouvernement va riposter et répandre le sang, mais l’opinion publique, nationale comme internationale, va s’émouvoir et des négociations sont ouvertes. Qui aboutiront à un accord jamais vraiment mis en œuvre. Le mouvement armé en lui-même n’a pas duré très longtemps, vite remplacée par un combat plus idéologique, sous la plume notamment du sous-commandant Marcos. Aujourd’hui, les droits réclamés ne sont toujours pas effectifs mais le mouvement est presque éteint, il ne reste plus que quelques panneaux et affiches revendiquant la lutte et l’autogestion des communautés locales. Longtemps dangereux (ou réputé dangereux) pour les touristes, nous ne nous serons pas sentis en insécurité à un seul instant.
Nous allons vers Ocozocoautla qui est sur la route par laquelle nos amis doivent arriver, on passe déposer le linge dans une laverie, puis faire quelques courses, et en allant vers le point iOverlander repéré, c’est le drame : nous recevons un message d’Alex et Manue, ils ont déjà passé cette ville et sont dans la suivante ! Et nous devons attendre demain 14h pour récupérer nos vêtements… C’est trop bête d’être si proches et de s’être ratés, nous essayons de les convaincre de revenir vers nous, mais ils n’ont pas le courage de se retaper la route dans l’autre sens, et on les comprend ! Vivement demain alors 😉 .
Le point iOverlander Hogar Infantil est dans un grand parc, avec 4 belles dalles pour stationner, d’un lieu d’accueil pour enfants : belle aire de jeux (en vieux métal un peu rouillé, mais on ne va pas faire les difficiles, les enfants sont ravis ! Quel dommage de ne pas être avec les copains ici ! Quand le froid nous fait rentrer dans le véhicule (« à la maison » comme dit Ysée maintenant 😊 ), les enfants s’occupent entre jeux de société et décorations de noël, pendant que Laurent et moi nous occupons des photos et de rattraper le retard d’écriture sur le blog 😉 . Soirée paisible …
Samedi 16 décembre, San Cristobal de Las Casas
… et nuit paisible, ça fait du bien !
Je commence à faire travailler Mathieu et Flora, Laurent et Ysée se baladent sur le site : entre les volailles à nourrir, les petits cochons tout mignons et les lapins. Puis Laurent nous demande de venir : nous sommes invités à la petite fête de noël 😊 . Nous sommes au 1er jour des vacances, beaucoup d’enfants repartent dans leur famille, et avant de partir c’est fiesta et piñata. Pour ceux qui ne connaissent pas la piñata, c’est l’incontournable de toute fête d’enfant au Mexique (et peut-être dans d’autres pays de la région ?) : une structure cartonnée assez légère, souvent à l’effigie d’un héros des enfants, recouverte de papier mâché, remplie de friandises, est suspendue en l’air. Les enfants vont taper dans la piñata, chacun leur tour, au son d’une petite comptine, jusqu’à ce qu’elle s’ouvre, laissant ainsi s’échapper les bonbons.
Les jeunes filles qui s’occupent de la fête ont donc invité Ysée (qui a beaucoup de succès ici, toute blondinette qu’elle est : elle est maintenant en photo dans de nombreux appareils, selfies avec toutes ces demoiselles oblige 😉 ). Et nos enfants vont chacun leur tour être conviés à taper dans la piñata, une première pour eux 😊 . Nous discutons un peu avec quelques personnes et le directeur : ce centre accueille environ 80 enfants, de 2/3 ans à 21 ans, placés ici pour différentes raisons pas très gaies (pauvreté, mauvais traitements…).
Si cet endroit ne demande rien pour le stationnement, le directeur nous propose de faire un don à l’association ( www.hogarinfantil.org), sans aucune obligation bien sûr !
Après la fête, en fin de matinée, nous voyons partir les enfants, avec un adulte ou seul… ça fait bizarre de voir des enfants si jeunes aller prendre le collectivo (minibus collectif) tout seul. Nous restons le temps de déjeuner, et Laurent va demander au gardien si nous pouvons acheter des œufs (je refuse d’acheter des œufs de poules élevées en cage (oui, ici c’est carrément dans des cages entassées sur plusieurs étages), et je n’en ai trouvé des œufs de poule élevées en plein air qu’une fois ; nous ne mangeons donc plus d’œufs depuis le mois d’octobre) : celui-ci va en trouver une dizaine (en cherchant bien partout sur le terrain, les poules se baladant où elles veulent).
C’est en fin d’après-midi que nous atteignons San Cristobal et rejoignons les Nomad : grande joie pour les petits et les grands ! Le lieu de bivouac choisi, El Arcotete, est plutôt sympa : une espèce de parc (où le stationnement à la journée + le camping sont payants) dans une forêt de pins, point de départ de balades. Nous passons une très bonne fin de journée, début de soirée, tant de choses à nous raconter depuis que nous nous sommes quittés début novembre !
Mais vers 22/23h, catastrophe : un sound system commence, musique électro atroce, basses à fond qui font tout vibrer, l’horreur ! Nous avions bien vu la scène, il y avait eu un peu de musique en début de soirée, mais il n’y avait personne et ça s’était arrêté. Là, ça semble parti pour durer (malgré le manque de public : 20 personnes à tout casser autour de la scène, quelques-uns plus loin sur le terrain). A cette heure-ci, et surtout dans l’état des conducteurs, hors de question de repartir trouver un bivouac ailleurs ; d’autant plus que le chemin pour accéder au terrain est très en pente, avec un sol meuble, Laurent craint de ne pas pouvoir remonter. Il va falloir subir… et nous allons subir toute la nuit. Ils n’arrêteront que le lendemain vers 11h ! Cette nuit est donc officiellement propulsée à la première place du classement des nuits pourries (et j’avoue avoir eu quelques pensées très très méchantes envers les organisateurs).
Dimanche 17 décembre
Inutile de vous dire que nous sommes bien fatigués… les enfants ne cesseront jamais de me surprendre : ils ont tous bien dormi ! Mais Flora (à 13 ans, je ne la compte plus tout à fait dans les enfants hein ? 😉 ) a été réveillée de 3h à 4h. Nous sommes très en colère après les propriétaires des lieux, qui auraient dû nous prévenir de ce qui était organisé ici pour la nuit : nous voyant arriver avec nos 6 enfants, ils devaient bien se douter qu’on ne venait pas faire la fête (si on peut appeler ça faire la fête). Manue et moi allons voir le proprio, lui demandant à rester une nuit supplémentaire gratuitement : il ne veut rien entendre, avec son sale petit sourire, et nous répète, goguenard, que si on veut rester une nuit, il faudra repayer. Je lui dis que dans ce cas, nous allons repartir, et je dis tout plein de très vilains gros mots après.
Vu notre état général, nous allons faire une balade, ça ne peut pas faire de mal de nous aérer. Bon, ça ne va pas bien loin tout ça, vraiment pas les chemins de rando qu’on pensait trouver. Et la journée se déroule lentement, les enfants jouent, nous papotons, nous avons tous la flemme de repartir finalement : nous décidons de rester une nuit de plus, et on verra si quelqu’un vient nous réclamer des sous. Personne ne viendra, et tout le monde sera au lit bien tôt 😉.
Lundi 18 décembre, San Cristobal de las Casas
Après une vraie bonne nuit de sommeil, nous partons vite visiter San Cristobal de Las Casas. Laurent avait raison, la montée pour quitter le site est bien difficile pour nos 4 tonnes, la première fois nous ne passons pas, les roues patinent sur le sol meuble. Au deuxième essai, avec de l’élan, notre fidèle camping-car arrive à nous hisser tout en haut, ouf !
Ville coloniale très renommée du Chiapas, j’étais très impatiente de la découvrir… et j’en reviendrai déçue 😉. J’en ai surtout vu le côté touristes, énormément de back-packers ici, et peut-être que ce mode de voyage lui sied mieux, permettant de plus profiter de l’offre culturelle et de la vie nocturne ? Manque de chance, plusieurs bâtiments sont actuellement en travaux et leur façade masquée par des palissades ; chance, les palissades sont très joliment décorées.
Ce qui ne nous empêche pas de profiter de la beauté de la ville en déambulant dans les rues, appréciant les couleurs des façades. Ici, c’est tout autant l’architecture que la population qui attirent le regard : les mayas sont très présents dans cet état, beaucoup sont vêtues de costumes traditionnels (au féminin hein, parce que les hommes sont habillés comme les occidentaux). Les femmes sont belles, et les petits enfants magnifiques ! On aimerait les prendre plus en photos, mais c’est assez mal pris ici… Nous passons par un marché artisanal, que les stands sont beaux ! Les tissages et broderies de la région sont magnifiques, tant de belles couleurs 😊. Flora et moi avons envie de les dévaliser, Laurent nous en empêche 😉.
Après un très bon repas (dans un resto végétarien, bio, locavore … oui, San Cristobal est une ville bobo 😃), en route vers le prochain point : les cascades d’El Chiflon.
Route bien pénible avec de vilains topes pas indiqués, on va en prendre certains très méchamment. Il y a 2 points iOverlander dans ce coin, de part et d’autre de la rivière, et nous avions convenu de nous retrouver à l’un d’eux. En arrivant, nous sommes étonnés de ne pas trouver nos amis, et pas de réseau pour les joindre. Nous profitons des lieux : il n’y a plus personne à cette heure-ci, Ysée s’amuse à l’aire de jeux, sous la surveillance de Laurent (depuis un hamac 😉 ), tandis que j’embarque les deux plus grands. Nous suivons le sentier et allons admirer les cascades : dans la lumière du soleil couchant, c’est magnifique ! Laurent a entre-temps eu des nouvelles des Nomad : arrivés après nous, et ils se sont installés de l’autre côté ; ayant chacun payé de chaque côté (et nous avons dû marchander sévère, le mec voulait nous faire payer en plus pour Flora, voir même pour Mathieu, alors que celui à l’entrée nous avait assuré que seuls les adultes payaient), nous ne nous retrouverons pas ce soir. Pas grave, de toute façon il est déjà tard, repas et au lit!
Je confirme San cristobal est bien une ville de nuit pour faire la fiesta !!! Que de bons souvenirs….